Pourquoi le plafonnement des indemnités prud’homales est-il juridiquement contestable ?

Pourquoi le plafonnement des indemnités prud’homales est-il juridiquement contestable ?

Après l’échec de la loi dite « Macron » s’agissant du plafonnement des indemnités prud’homales accordées aux salariés illégalement licenciés, l’avant-projet de loi dit « El Khomri » vise à nouveau à introduire un tel mécanisme dans le code du travail.

Rappelons-le, les dispositions de la loi « Macron » fixaient des maxima d’indemnisation variant en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

Ces dispositions ont été censurées par le Conseil Constitutionnel qui a considéré que si le législateur pouvait « plafonner l’indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié ». Or, selon le Conseil, « si le critère de l’ancienneté dans l’entreprise est […] en adéquation avec l’objet de la loi, tel n’est pas le cas du critère des effectifs de l’entreprise ». C’est donc sur ce fondement que ce dispositif a été jugé contraire au principe d’égalité devant la loi et partant inconstitutionnel (décision n°2015-715 DC du 5 août 2015).

Ainsi, le Conseil Constitutionnel n’a pas remis en cause le principe même du plafonnement des indemnités prud’homales.

Il ne fallait donc pas être grand clerc pour se douter que le Gouvernement reverrait sa copie afin de faire en sorte que les exigences du juge constitutionnel soient respectées.

C’est chose faite, puisque le mécanisme désormais envisagé tient compte uniquement du critère de l’ancienneté du salarié.

Cette difficulté purgée, il n’en demeure pas moins que plafonner les indemnités prud’homales reste juridiquement contestable.

A notre sens, cela est contraire à la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ainsi qu’à l’article 24 de la Charte sociale européenne. Ces deux textes prévoient en effet que le salarié licencié sans motif valable a droit au versement d’une indemnité adéquate.

Une indemnité plafonnée étant nécessairement déconnectée du préjudice subi, elle ne peut selon nous, être considérée comme « adéquate ».

Cela est d’importance quand l’on sait :

  • que les accords internationaux ont une autorité supérieure à la loi (article 55 de la Constitution)
  • et que certaines dispositions internationales sont considérées comme étant « d’effet direct », c’est-à-dire qu’elles peuvent être invoquées directement par les particuliers devant les juridictions nationales et amener les juges à écarter l’application d’une loi leur étant jugée contraire.

Or, certaines dispositions de la convention 158 de l’OIT ont été jugées d’effet direct par les juridictions françaises. Quant à l’article 24 de la Charte sociale européenne, le juge administratif lui confère un effet direct tandis qu’à notre connaissance, le juge judiciaire n’a pas clairement pris position.

Ainsi, si le mécanisme du plafonnement des indemnités prud’homales entrait en vigueur, il est probable que ces textes supranationaux seraient utilisés dans des contentieux prud’homaux afin d’écarter son application.