Requalification de CDD en CDI

1. Motifs de recours au CDD

Les possibilités de recourir au CDD sont limitées.

Hormis certains CDD conclus dans le cadre de la politique de l’emploi, le recours au CDD n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas limitativement énumérés par la loi parmi lesquels on trouve, entre autres :

    • le remplacement d’un salarié absent,
    • l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise,
    • les emplois à caractère saisonniers,
    • ou encore les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (CDD dits « d’usage »).

2. Principales règles de fond et de forme du CDD

Le CDD doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif (article L. 1242-12 du code du travail). Il doit être transmis au salarié au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant l’embauche (article L. 1242-13 du code du travail).

Il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (L.1242-5 du code du travail). Il est également strictement interdit de conclure un CDD pour remplacer un salarié gréviste et pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux (article L.1242-6 du code du travail).

En principe, les CDD doivent comporter un terme précis, sauf exceptions énumérées par la loi (par exemple pour le remplacement d’un salarié absent). Dans ce cas, le CDD est alors conclu pour une durée minimale (article L. 1242-7 du code du travail).

Sauf exceptions légalement prévues dans certains cas précis, la durée des CDD ne peut dépasser 18 mois, en tenant compte, le cas échéant, du ou des renouvellements qui ont pu avoir lieu.

Le CDD est en principe renouvelable 2 fois, étant précisé que la durée du ou, le cas échéant, des 2 renouvellements, ajoutée à la durée du contrat initial, ne peut excéder la durée maximale légalement prévue. Les conditions de renouvellement doivent être stipulées dans le contrat ou faire l’objet d’un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu (article L. 1243-13 du code du travail).

A l’expiration d’un CDD, il ne peut être recouru à un autre CDD pour pourvoir le même poste avant l’expiration d’un délai de carence (article L. 1244-3 du code du travail). Ce délai de carence ne s’applique pas dans certains cas énumérés par l’article L. 1244-4 du code du travail (par exemple, lorsque le CDD est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent en cas de nouvelle absence du salarié remplacé).

Le CDD doit comporter certaines mentions obligatoires énumérées par la loi, dont par exemple :

  • le nom et la qualification de la personne remplacée,
  • la date du terme du CDD,
  • lorsqu’il est possible de conclure un CDD sans terme précis, sa durée minimale,
  • l’intitulé de la convention collective applicable,
  • le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe.

3. Cas de requalification en CDI

A défaut d’écrit ou de définition précise du motif de recours au CDD, ce dernier est réputé conclu pour une durée indéterminée (article L. 1242-12 du code du travail). Selon une jurisprudence constante, la transmission tardive du CDD équivaut à une absence d’écrit entraînant sa requalification en CDI.

Il en est de même en cas de méconnaissance d’une des règles portant sur les cas de recours au CDD, son terme, sa durée, son renouvellement ou le délai de carence.

Pour ce qui est des mentions obligatoires devant figurer sur le CDD, leur omission n’entraîne pas toujours la requalification en CDI. Il a par exemple été jugé que :

  • en cas d’omission de la qualification du salarié remplacé, le CDD est réputé être un CDI (Cass. soc. 26 octobre 1999, n°97-40894),
  • en revanche, le défaut de mention de la convention collective applicable ne peut entraîner la requalification du CDD en CDI (Cass. soc. 26 octobre 1999, n°97-42255).

Il est à noter que lorsqu’un CDD se poursuit après l’échéance de son terme, il devient un CDI (article L. 1243-11 du code du travail). Toutefois, cette situation ne constitue pas juridiquement une « requalification du CDD en CDI » mais simplement une mutation automatique du CDD en CDI, de plein droit, sans qu’une requalification soit nécessaire (Cass. soc. 13 décembre 2007, n°06-44004).

4. La demande de requalification en CDI

Seul le salarié peut demander la requalification du CDD en CDI.

L’objectif est donc clairement la protection du salarié.

En matière prud’homale, la procédure se déroule dans la plupart des cas en deux étapes : une audience ayant pour objectif de concilier les parties (qui a lieu devant le bureau de conciliation et d’orientation) puis une audience de jugement si les parties n’ont pas concilié ou conclu un accord transactionnel.

La demande de requalification du CDD en CDI est spécifique puisqu’elle est portée directement devant le bureau de jugement qui, selon l’article L. 1245-2 du code du travail, doit statuer dans le délai d’un mois suivant sa saisine (ce délai d’un mois reste malheureusement souvent inappliqué en raison de l’encombrement des juridictions).

Lorsqu’un salarié formule une demande de requalification du CDD en CDI, il peut présenter toute autre demande dérivant de son contrat de travail directement devant le bureau de jugement (par exemple une demande de rappel de salaire ou d’indemnités de rupture du contrat : Cass. soc. 4 décembre 2002, n°00-40255).

5. Conséquences générales

  • Indemnité « de requalification »

Lorsqu’un CDD est requalifié en CDI, le salarié a droit à une indemnité, communément appelée « indemnité de requalification », qui ne peut être inférieure à un mois de salaire (article L. 1245-2 du code du travail).

Cette indemnité de requalification peut être cumulée avec les indemnités de rupture prévues en cas de rupture d’un CDI (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement voire, s’il y a lieu, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cf. Cass. soc. 7 janvier 1998, n°95-43808)

Il a été vu que la poursuite du CDD au-delà de son terme transformait le CDD en CDI sans que cela constitue juridiquement une « requalification du CDD en CDI », le CDD devenant un CDI de plein droit. Dès lors, l’indemnité de requalification n’est pas due lorsque le CDD devient un CDI « du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme ». Dans ce cas en effet, « le salarié ne peut prétendre à une indemnité de requalification, hors les cas où sa demande en requalification s’appuie sur une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite » (Cass. soc. 27 septembre 2007, n°06-41086).

  • Eventuels rappels de salaires pour les périodes non travaillées

Le salarié dont le CDD est requalifié en CDI peut prétendre à des rappels de salaire au titre des périodes pendant lesquelles il n’a pas travaillé s’il démontre qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pour effectuer un travail pendant ces périodes (Cass. soc. 28 septembre 2011, n°09-43385).

  • La rupture du contrat motivée par l’arrivée de l’échéance du terme du CDD est infondée

Lorsque le CDD est requalifié en CDI, la rupture du contrat motivée par l’arrivée de l’échéance du terme du CDD est nécessairement infondée.

  • Requalification du CDD en CDI après la rupture du contrat

Dans l’hypothèse où le CDD est requalifié en CDI après la rupture des relations contractuelles, cette rupture n’est pas nécessairement un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, « le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse » (Cass. soc. 20 octobre 2015, n°14-23712).

Par ailleurs, si le licenciement a une cause réelle et sérieuse mais qu’il n’est pas dû à une faute grave ou lourde du salarié (en l’absence de dispositions conventionnelles plus favorables), ce dernier pourra prétendre  à une indemnité compensatrice de préavis et éventuellement, en fonction de son ancienneté, à une indemnité de licenciement.

Si l’employeur n’a pas respecté la procédure applicable au licenciement (convocation à un entretien préalable, règles relatives à l’assistance du salarié par un conseiller etc…), le salarié pourra dans certains cas demander une indemnité pour licenciement irrégulier. Les conditions d’obtention d’une telle indemnité dépendent de l’ancienneté du salarié et du nombre de salariés employés par l’entreprise.

Enfin, à ce jour, la jurisprudence considère que l’indemnité de fin de contrat (souvent appelée « indemnité de précarité »), qui a été versée au salarié à la fin du CDD lui reste acquise malgré la requalification ultérieure du CDD en CDI (Cass. soc. 24 juin 2003, n°00-42766).