Loi Travail : le Conseil Constitutionnel a tranché, la loi est publiée

Loi Travail : le Conseil Constitutionnel a tranché, la loi est publiée

La loi Travail[1] a été publiée mardi 9 août 2016, après que le Conseil Constitutionnel l’a validée pour l’essentiel le 4 août dernier[2], en ne censurant que quelques dispositions.

Il faut préciser que le Conseil Constitutionnel n’avait été saisi par les députés et sénateurs que de la conformité à la Constitution de la procédure d’adoption de la loi et de ses articles 27 et 64.

La procédure d’adoption de la loi Travail a été validée par le Conseil Constitutionnel

La procédure d’adoption de la loi a tout d’abord été validée par le Conseil Constitutionnel aux motifs qu’« une seule délibération du conseil des ministres suffit pour engager, lors des lectures successives d’un même texte, la responsabilité du Gouvernement qui en a ainsi délibéré » et que « les délais retenus, à l’Assemblée nationale, pour le dépôt des amendements en commission et en séance publique, n’ont pas fait obstacle à l’exercice effectif par les députés de leur droit d’amendement ni altéré la clarté et la sincérité des débats » (décision du Conseil Constitutionnel n°2016-736 DC du 4 août 2016, paragraphes 3 et 9).

La validation de l’essentiel des articles de la loi Travail dont avait été saisi le Conseil Constitutionnel

L’article 27 de la loi Travail porte sur l’autorisation de la mise à disposition de locaux au profit d’organisations syndicales par les collectivité territoriales et leurs groupements.

Le Conseil Constitutionnel a invalidé la partie de cet article qui le rendait rétroactif. Pour le reste, il l’a jugé conforme à la Constitution, formulant seulement une réserve d’interprétation relative au montant de l’indemnité due au profit de l’organisation syndicale du fait de l’interruption de la mise à disposition de locaux qu’elle occupait depuis plus de cinq ans sans que lui soit proposés des locaux de substitution.

S’agissant de l’article 64 de la loi, qui porte sur la mise en place, dans certains réseaux d’exploitants liés par un contrat de franchise, d’une instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau, seuls certains mots ont été jugés inconstitutionnels, le reste ayant également été validé par le Conseil Constitutionnel sous deux réserves d’interprétation.

La censure des articles de la loi Travail dont le Conseil Constitutionnel s’est saisi d’office

Le Conseil s’est également saisi d’office de trois autres articles (articles 62, 65 et 39 paragraphe III), qui n’avaient pas été contestés par les auteurs de la saisine, mais dont il avait le pouvoir de se saisir d’office au motif que ces dispositions n’avaient pas leur place dans la loi qui lui était soumise. Ces trois articles, qui ont donc été déclarés contraires à la Constitution pour ce motif, portaient respectivement sur :

  • la pérennisation au 31 décembre 2016 de la possibilité pour l’employeur d’assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire santé de certains salariés par le versement d’une somme destinée à couvrir une partie de leurs cotisations à un contrat individuel,
  • la possibilité donnée à certaines entreprises de moins de cinquante salariés de déduire de leurs résultats imposables une somme correspondant aux indemnités susceptibles d’être ultérieurement dues à leurs salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
  • la modification des règles d’utilisation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Les dispositions « phares » de la loi Travail n’ont pas été soumises au Conseil Constitutionnel

On le voit, le Conseil Constitutionnel n’a statué que sur une infime partie de la loi Travail, ses dispositions « phares » (nouvelle définition du motif économique du licenciement, accords dits de « préservation ou de développement de l’emploi », etc.) ne lui ayant pas été soumises par les députés et sénateurs.

Peut-être seront-elles présentées ultérieurement au Conseil Constitutionnel par le biais de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Le mécanisme de la QPC permet en effet à une partie à un procès en cours de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et de demander le renvoi de cette question devant le Conseil Constitutionnel. Il ne sera néanmoins pas aisé d’utiliser la QPC, la question posée devant notamment être nouvelle ou présenter un caractère sérieux et la procédure comprenant plusieurs « filtres » :

  • c’est tout d’abord la juridiction saisie du procès en cours qui examine en premier la QPC et décide de la communiquer ou non au Conseil d’Etat ou à la Cour de Cassation.
  • si cette juridiction décide de transmettre la QPC au Conseil d’Etat ou à la Cour de Cassation, ces derniers procèdent alors à un deuxième examen et décident de renvoyer ou non la question devant le Conseil Constitutionnel.

Si la règle est qu’une loi entre en vigueur le lendemain de sa publication, certaines des dispositions de la loi Travail ne sont pas immédiatement applicables soit parce que leur entrée en vigueur est différée (par exemple pour les dispositions modifiant la définition du motif économique du licenciement, différées au 1er décembre 2016) soit parce que leur application est soumise à des décrets d’application (par exemple pour la mise en œuvre des dispositions relatives aux accords dits « de préservation et de développement de l’emploi »).

Dès lors, il est envisageable que la contestation se porte aussi par la suite sur les décrets d’application, puisque des décrets peuvent être attaqués, dans certaines conditions, devant le Conseil d’Etat.

[1] Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

[2] Décision du Conseil Constitutionnel n°2016-736 DC du 4 août 2016