Accident du travail ou maladie professionnelle inopposable à l’employeur et faute inexcusable
Les accidents du travail et maladies professionnelles sont reconnus par la CPAM au terme de procédures spécifiques. Si la Caisse rend une décision de prise en charge, le salarié peut se voir attribuer une rente (dans certains cas, un capital).
Dans le cadre de ces procédures, lorsqu’elle procède à une instruction, la CPAM a une notamment obligation d’information à l’égard de l’employeur. Elle est notamment tenue de l’informer de la fin de la procédure d’instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
A défaut de respecter cette obligation d’information, la décision de prise en charge est inopposable à l’employeur. La conséquence de cette inopposabilité est que l’employeur ne verra pas augmenter le taux de ses cotisations « AT[1]/MP[2] ».
Cette solution est parfaitement cohérente car ne pas informer l’employeur revient à méconnaître le principe du contradictoire.
Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l’employeur :
- la rente attribuée au salarié est majorée,
- le salarié peut de plus obtenir l’indemnisation de préjudices complémentaires.
Dans ce cas, la CPAM fait l’avance de la majoration de rente et des éventuelles indemnisations complémentaires, mais la faute inexcusable commise par l’employeur permet à la Caisse d’exercer une action contre lui afin d’obtenir le remboursement des sommes avancées.
On aurait donc pu croire que quand un accident du travail ou une maladie professionnelle est inopposable à l’employeur, ce dernier ne peut se voir imputer les conséquences financières attachées à l’existence d’une faute inexcusable.
Cela n’est pas le cas.
Comme vient de le préciser la 2ème Chambre civile de la Cour de Cassation en effet, « l’irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute, qui est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l’employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle » (Cass. 2ème civ. 31 mars 2016, n°14-30015).
Cette solution ne peut se comprendre qu’au regard des particularités du droit de la sécurité sociale.
En premier lieu, il existe un principe d’indépendance des rapports CPAM / victime et CPAM / employeur.
Cela signifie notamment que lorsque la CPAM a décidé de prendre en charge un accident ou une maladie, cette décision est définitive à l’égard de la victime : elle lui reste acquise même si l’employeur la conteste judiciairement et obtient in fine gain de cause (parce que la décision de prise en charge lui est déclarée inopposable ou bien parce qu’il est jugé, dans les rapports entre l’employeur et la CPAM, que l’accident ou la maladie n’a pas un caractère professionnel).
Il découle de ce principe d’indépendance des rapports que le fait que le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie ne soit pas établi entre l’employeur et la CPAM ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Dans ce cas, il appartient toutefois à la juridiction saisie de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel et si l’assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d’une faute inexcusable (Cass. 2ème civ. 4 novembre 2010, n°09-16203).
En deuxième lieu, si elle ne peut être retenue que pour autant que l’accident (ou la maladie) revêt un caractère d’accident du travail (ou de maladie professionnelle), la reconnaissance de la faute inexcusable n’implique pas que l’accident (ou la maladie) ait été considéré(e) par la CPAM comme revêtant un caractère professionnel et pris(e) en charge en tant que tel par la Caisse (Cass. 2ème civ. 20 mars 2008, n°06-20348).
Au regard de ces principes, il apparaît logique que l’arrêt du 31 mars 2016 déconnecte la question de la récupération auprès de l’employeur des compléments de rente et indemnités versés par la CPAM au titre de la faute inexcusable de la question de l’irrégularité de la procédure de prise en charge par la Caisse au titre de la législation professionnelle.
Dans tous les cas, le lecteur aura pu constater que les règles ne sont pas simples et que dans ce genre de situation, tant l’employeur que le salarié ont intérêt à se faire conseiller.
[1] Accident du travail
[2] Maladie professionnelle