Rupture conventionnelle, fraude de l’employeur et prescription
Très répandue depuis sa création en 2008, le rupture conventionnelle consiste pour l’employeur et le salarié à convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie (article L. 1237-11 du code du travail). La validité de la rupture conventionnelle est subordonnée à son homologation par l’autorité administrative (article L. 1237-14 du code du travail). Elle est également conditionnée à l’absence de fraude et de vice du consentement.
La rupture conventionnelle peut parfois résulter d’une fraude de l’employeur
Le recours à la rupture conventionnelle peut dans certaines hypothèses résulter d’une fraude de la part de l’employeur.
Cela peut être le cas, par exemple, s’il est avéré que l’employeur a conclu une rupture conventionnelle afin d’échapper à la procédure du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Jusqu’en 2011, un salarié pouvait aussi envisager de soutenir que l’employeur avait commis une fraude en utilisant la rupture conventionnelle afin de contourner ses obligations en matière de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), l’établissement d’un PSE étant obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés projetant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours. Depuis le 9 mars 2011, il nous semble que l’on peut difficilement invoquer une telle fraude car la jurisprudence a précisé que lorsqu’elles ont une cause économique et s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l’une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer les obligations de l’employeur en matière de PSE (Cass. soc. 9 mars 2011, n°10-11581).
La fraude peut avoir un impact sur le délai de prescription
Tout litige portant sur la convention de rupture conventionnelle relève de la compétence du conseil de prud’hommes et doit être formé dans un délai de 12 mois à compter à compter de la date d’homologation de la convention (article L. 1237-14 du code du travail).
Ce délai est court, surtout lorsque la contestation est fondée sur la fraude de l’employeur. Le salarié peut en effet être informé de la fraude après l’écoulement de ce délai de 12 mois.
Dans un arrêt en date du 22 juin 2016, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a apporté deux précisions sur ce point (Cass. soc. 22 juin 2016, n°15-16994).
En premier lieu, la prescription d’un an prévue par le code du travail peut être écartée lorsque la fraude a précisément eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription.
Dans cette affaire, la fraude invoquée par le salarié consistait à soutenir que l’employeur avait recouru à une rupture conventionnelle afin de se soustraire à la mise en place d’un PSE. Selon la Cour de Cassation, la fraude alléguée n’avait pas eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription d’un an. Cette prescription ne pouvait donc pas être écartée en l’espèce.
En deuxième lieu, la Haute juridiction a indiqué qu’une fraude dans le recours à la rupture conventionnelle a pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription d’un an prévu par le code du travail au jour où celui qui invoque la fraude en a eu connaissance.
En l’espèce, la Cour de Cassation a jugé que le salarié avait eu connaissance de la fraude qu’il invoquait plus d’un an avant d’exercer son action en nullité de la rupture conventionnelle. De ce fait, son action était prescrite et sa demande s’avérait donc irrecevable.
L’enseignement à tirer de cette jurisprudence est que lorsqu’un salarié ayant conclu une rupture conventionnelle souhaite la contester plus d’un an après son homologation, il ne se heurtera pas toujours à la prescription. En effet, si le motif de contestation invoqué est la fraude, il conviendra d’examiner précisément la nature de la fraude ainsi que les conditions dans lesquelles le salarié en a eu connaissance afin de déterminer si son action est prescrite.